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Sésamath, un modèle de mutualisation Emmanuel Vieillard-Baron 1 Historique, objectifs, statistiques L'association Sésamath est née en 2001 de la fusion de plusieurs sites dédiés à l'enseignement des mathématiques. Plutôt orientée au départ sur le partage en ligne de ressources pédagogiques à utiliser sur table en collège, elle s'est diversifiée tant au niveau des outils proposés que des niveaux concernés. Sésamath a pour vocation essentielle de mettre à disposition, via Internet, des ressources pédagogiques et des outils professionnels utilisés pour l'enseignement des Mathématiques. Elle s'inscrit dans une démarche de service public. Elle est attachée aux valeurs de la gratuité d'utilisation des ressources et du logiciel libre :
L'association compte à l'heure actuelle 75 membres et soutient une vingtaine de projets. Ces projets concernent les élèves et les enseignants du cours moyen deuxième année à l'université. Les différents sites de l'association comptent plus de 1,3 millions de visiteurs par mois et plus de 30 000 personnes sont inscrites à la lettre d'information. Plus de 8 000 enseignants sont inscrits dans Sésaprof. Les manuels conçus dans l'association ont été commercialisés en 350 000 exemplaires et un nombre équivalent de cahiers (Mathenpoche et Mathsenligne) a été vendu. De nombreux partenariats ont été mis en place avec différentes académies afin de rendre accessibles aux élèves de ces académies les logiciels développés dans Sésamath. Ainsi, en 2009, on compte plus de 400 000 élèves inscrits à Mathenpoche réseau. 2 Présentation des projets 2.1 À destination des élèves L'association propose différents types d'outils à destination des élèves. Intéressons-nous dans un premier temps aux exerciseurs. Rentrent dans cette catégorie des applications comme « Mathenpoche » ou « AMI Collège ». Ces logiciels, conçus pour des collégiens, permettent de résoudre en ligne des exercices. Les élèves travaillent de manière autonome mais sont contrôlés en direct par leur professeur via une interface de suivi. Des aides et des corrections animées sont à leur disposition en cas de difficulté. Dans un style proche mais un peu différent des sites comme « Ebeps »ou « Sesabac »permettent aux élèves de préparer, respectivement, l'épreuve de mathématiques du brevet des collèges et du baccalauréat, en s'exerçant sur des exercices d'annales. Là encore, les corrections sont animées et interactives. L'usage de ces outils est double. Les élèves peuvent les utiliser de manière autonome ou en classe entière à l'aide d'un vidéo projecteur. L'association a lancé il y a peu un portail de travail pour les élèves : « Kidimath ». Au sein de cette interface unifiée, l'élève a accès à un cours interactif, des « exerciseurs », des questionnaires à choix multiples. 2.2 À destination des enseignants L'association a mis au point différents outils pour les enseignants. Parmi ceux-ci, mentionnons la revue en ligne « Mathematice »qui est, comme son nom l'indique consacrée à l'utilisation des TIC en classe qu'elle vise à promouvoir. La revue paraît tous les deux mois et chaque numéro traite d'un thème prédéfini à l'avance pour lequel un appel à contribution est lancé sur le site. Les articles relatent des exemples d'activités réussies avec les élèves, des approches nouvelles d'une question mathématique grâce aux TIC , des réflexion sur l'usage des TIC en classe, etc. Trois outils ont été conçus pour le laboratoire de mathématiques :
En parallèle de Kidimath, l'association a construit un portail à destination des enseignants : « Sesaprof ». On y trouve en particulier des compléments pour les manuels, imprimables ou animés. Les enseignants peuvent partager des ressources via Sésaprof (même de pair à pair), discuter... et participer aux projets de Sésamath. 3 Manuels libres Depuis 2005, Sésamath s'est lancée dans la conception de manuels papiers. Quatre manuels, un pour chaque niveau du collège, ont été écrits par des groupes constitués de dizaines d'enseignants (jusqu'à 100 auteurs pour le manuel de troisième) qui ont travaillé de manière collaborative. Ces manuels ont été conçus grâce à la suite bureautique libre « OpenOffice »et ont été diffusés sous les deux formats papier et numérique. La version papier a été commercialisée par l'éditeur Génération5 au prix de 11 €, ce qui est très concurrentiel relativement à l'offre préalablement existante (les autres manuels sont commercialisés entre 18 et 20 €). La version électronique est librement téléchargeable sur internet aux formats pdf et OpenOffice. L'ensemble a été placé sous licence GFDL ce qui permet aux utilisateurs de copier, modifier et rediffuser librement le contenu des ouvrages. L'usage d'OpenOffice facilite l'exploitation de ces documents car les utilisateurs ne sont pas soumis à l'achat d'un logiciel propriétaire. Depuis 2005, il s'est vendu 350 000 manuels, ce qui représente entre 15 et 20 % des parts de marché. C'est un succès remarquable, surtout pour un nouvel entrant sur ce marché et cela permet de mesurer l'implantation de Sésamath dans la communauté éducative. Contrairement à ce qu'on pourrait craindre, la mise à disposition gratuite sur internet de la totalité des ouvrages n'a pas été un frein à la vente de la version papier. Au contraire, elle vient la renforcer par l'accès à des compléments en ligne et permet d'offrir tant aux élèves qu'aux enseignants un outil de travail complet et agréable à exploiter. Les interfaces « Kidimath »et « Sésaprof »constituent des points d'entrée à la version électronique des manuels et permettent de convivialiser l'accès tant aux exercices ou aux animations pour les élèves, qu'aux sources des documents pour les enseignants. 4 Collaborations aux projets Les ressources produites dans Sésamath sont en permanente évolution. Les enseignants peuvent proposer des améliorations, des corrections ou suggérer des idées en utilisant Sésaprof ou les nombreuses listes de diffusion qui sont à leur disposition. À force d'utiliser ces ressources, certains enseignants finissent par être désireux de s'investir et de participer à leur élaboration. Aussi, bien que l'association compte 75 membres, plusieurs centaines d'enseignants participent au développement des différents projets. Les contributions sont tant pédagogiques (scénarisation d'exercices, rédaction de ressources...) que techniques (programmation, graphisme...). Étant donné le degré de complexité atteint par des logiciels comme Mathenpoche, Tracenpoche, etc., il est devenu difficile d'intégrer de nouveaux programmeurs. Pour remédier à ce problème, l'association propose depuis peu des stages de plusieurs jours, afin d'initier les nouveaux venus aux technologies utilisées dans le développement de ses logiciels. Différents facteurs permettent d'expliquer l'ampleur des contributions aux travaux de l'association :
5 Sésamath à l'étranger En 2007, Sésamath a reçu un prix à l'UNESCO « pour la qualité des supports pédagogiques et pour sa capacité démontrée à toucher un large public d'apprenants et d'enseignants ». Depuis, la question est de savoir si le modèle de Sésamath (en particulier la création collaborative des manuels libres) peut être adaptée dans d'autres pays. C'est une question importante, par exemple pour le continent africain où les ressources pédagogiques font largement défaut. C'est pourquoi l'an dernier Sésamath a participé à Dakar à un colloque organisé par l'UNESCO et l'OIF sur les REL (ressources éducatives libres). Des discussions ont eu lieu avec le Sénégal et le Mali pour essayer de transférer l'expertise de Sésamath dans la construction de tels outils, mais sans parvenir à mettre concrètement des actions en place pour l'instant. Parallèlement, une communauté d'enseignants en Suisse tente actuellement de reproduire le modèle Sésamath, avec l'aide de Sésamath, ce qui pose à terme la question de la dissémination et de la fédération des énergies. Un partenariat est également en cours avec le Nouveau Brunswik (Canada) autour du site Casmi qui propose des problèmes ouverts, en complémentarité avec les outils de Sésamath. 6 Les-mathematiques.net Le site « Les-mathematiques.net »est né début 2001 et a adhéré à Sésamath en 2002. Il est consacré aux mathématiques post-bac de la première année de licence ou de classe prépa jusqu'à l'agrégation. L'idée de départ a germé de trois constats :
Parmi les problèmes techniques posés au départ, il fallait faire le choix d'un langage pour la création des pages web dynamiques. Ce dernier s'est rapidement porté sur le couple php/mysql. Ces langages, sous licence libre, sont bien documentés et gratuits. Il fallut aussi trouver des solutions pour l'édition de textes mathématiques dans un navigateur. Il y a dix ans, encore moins que maintenant, les navigateurs ne supportaient l'affichage des symboles mathématiques. Nous avons choisi le logiciel libre LaTeX qui est largement utilisé dans la communauté universitaire et pour lequel ont été développés des moulinettes d'exportation vers les formats des pages internet. Un gros travail a été entrepris pour trouver des solutions permettant d'intégrer un cours à une base de données. Ce travail a été grandement facilité par la structure même de LaTeX. Il a fallu aussi rendre possible l'utilisation de LaTeX sur le forum. À l'heure actuelle, le site reçoit près de 6 000 visites quotidiennes et une trentaine de personnes y ont contribué. Tout l'éventail du programme universitaire n'est pas traité mais on y trouve de nombreuses ressources de la licence à l'agrégation. Ces cours ont été téléchargés plus de 1 500 000 fois. Nous avons été sollicités par un éditeur pour publier des équivalents papiers aux cours en ligne mais ces discussions n'ont pas abouti si ce n'est pour le cours d'agrégation qu'on trouve maintenant chez les libraires. Le forum est un des plus actif dans sa catégorie sur internet. Plus de 500 000 messages y ont été échangés depuis sa création. Des étudiants y trouvent une aide précieuse et les passionnés l'utilisent pour discuter des mathématiques. 7 Un livre libre pour les classes prépas L'aventure quant au livre pour la classe de mathématiques supérieures a commencé il y a maintenant 3 ans. Avec Alain Soyeur, professeur en CPGE au lycée Fermat à Toulouse, nous avons commencé la rédaction d'un cours complet pour la première année des classes préparatoires scientifiques. Ce cours appartient à la catégorie des « Tout en un », c'est à dire qu'il condense dans un seul volume, le cours accompagné des exercices corrigés. Il se caractérise par les points suivants :
Un première version du livre (de plus de 1 000 pages) a été écrite et nous avons proposé certains chapitres à un premier cycle de relecture. Un wiki a été mis en place par Sésamath à cette occasion et suite à un appel lancé sur le forum de « Les-mathematiques.net », un trentaine d'internautes se sont proposés pour relire l'ouvrage. Nous aimerions maintenant ouvrir l'écriture du livre à d'autres enseignants, afin d'accélérer sa rédaction mais aussi et surtout pour en enrichir le contenu. Nous avons réfléchi à agrémenter le cours en ligne d'animations multimédias. Celles ci permettraient d'illustrer et d'expliquer pertinemment certaines notions. Nous n'avons pas le savoir-faire technique pour programmer ce type d'objet mais nous comptons sur les ressources internes à Sésamath pour réaliser ce projet. Les exercices du livre devraient être intégrés à une base de données. Un « serveur d'exercice »permettra aux internautes et en particulier aux enseignants d'aller puiser dans cette base afin de concevoir, en ligne, des planches d'exercices personnalisées. Le livre sera disponible sur internet sous une licence libre. Les internautes pourront le télécharger gratuitement au format pdf ou le consulter via des pages web. Une version papier sera commercialisée en parallèle, à un prix qui devrait être inférieur à 30 € ce qui est la moitié du prix généralement constaté pour ce genre d'ouvrage. Nous espérons, par l'action simultanée sur les deux leviers que sont l'accès gratuit via internet et le prix très faible de la version papier, aider à la diffusion de l'ouvrage. Le choix d'éditer le livre sous une licence de type GFDL permettra aux enseignants d'exploiter facilement notre travail. Émettons le voeu que ce sera une source d'échanges qui permettra par la suite d'enrichir l'ouvrage. Enfin, le mode de publication choisi devrait rendre l'ouvrage accessible à des populations qui ont un accès limité à ce type de livre. Nous pensons évidemment aux étudiants d'Afrique Francophone. Si notre travail pouvait connaître une publication dans les pays émergents, ce serait une récompense et une compensation magnifique pour les milliers d'heures passées à sa rédaction. Emmanuel Vieillard-Baron, Ce texte correspond à l'exposé de E. Vieillard-Baron lors de la Troisième session du Séminaire international thématique ePrep 2009, le lundi 26 octobre 2009 à l'Institut Henri Poincaré, Paris. ___________________ |